Snap Store de Canonical – Ubuntu, qu’en dit Linux Mint ?
Clément Lefebvre, le Project Manager de la populaire distribution Linux Mint, a décidé de pousser un coup de gueule contre Canonical et son Snap Store (magasin des Snap)
Késako les Snap, Flatpak et AppImage ?
- AppImage, FlatPak et Snap – Systèmes de virtualisation d’Applications pour GNU/Linux – 16/04/2019
Ces dernières années, trois différents formats de paquetages indépendants des distributions GNU/Linux ont acquis une très grande popularité. Ces trois conteneurs sont des logiciels empaquetés avec tout ce qui est nécessaire pour les faire fonctionner (incluant toutes leurs dépendances) que l’on installe sous les distributions GNU/Linux pour avoir la toute dernière version de ses applications préférées et/ou des applications non (encore) disponibles dans les dépôts officiels de sa distribution chérie…
Oui mais, il semble que Mark Shuttleworth le patron de Canonical Ltd., la firme éditrice de la distribution Ubuntu et de la bibliothèque d’applications Snap Store, a décidé de changer les règles du jeu libre… pour en faire un jeu fermé et propriétaire !
Gardons en mémoire que depuis 3 ans (L’An I de la Trahison), Canonical s’est mis en ménage contre-nature avec Big Brother Microsoft (membre de la secte des GAFAM), suivi par SUSE – OpenSUSE, Red Hat – Fedora et aussi Debian (à l’insu de son plein gré ?). Nous y reviendrons à la fin de l’article.
♦ Que dit Clément Lefebvre concernant Snap et Snap Store ?
Dans son dernier billet de blog, Clément (Clem) tire la sonnette d’alarme en mettant clairement les points sur les « i » de l’évolution néfaste de la stratégie de Canonical concernant le Logiciel Libre et en particulier de ses Snap et Snap Store (SnapCraft.io).
Traduction du paragraphe « Snap » de l’article ci-dessous, aussi fidèle que possible à l’original
- Linux Mint — Monthly News – June 2019 – July 2, 2019 by Clem (original en anglais)
» » » » » » » » » «
SNAP (Instantané)
Entre […], mes précisions et commentaires ajoutés.
Lorsque ‘Snap’ a été annoncé, cela devait être une solution, pas un problème !
Il était supposé permettre de faire fonctionner de nouvelles applications par-dessus des bibliothèques de logiciels plus anciennes et de permettre aux éditeurs tiers de publier facilement leur(s) logiciel(s) vers plusieurs distributions GNU/Linux, comme avec ‘Flatpak’ et ‘AppImage’. Ce que nous [les libristes] ne voulions pas, c’est que Canonical contrôle la distribution des logiciels entre les distributions GNU/Linux et les éditeurs d’applications tiers afin d’empêcher la distribution directe par les éditeurs, que les logiciels fonctionnent mieux qu’avec Ubuntu que partout ailleurs et que son magasin [Snap Store] soit un prérequis pour les libristes.
Si vous êtes [par exemple] un utilisateur de Fedora et que vous voulez installer [disons] Spotify, vous êtes invité à aller sur https://snapcraft.io/spotify. Spotify ne distribue pas de packages RPM, d’Appimage, de Flatpak ou quoi que ce soit d’utile pour un utilisateur de Fedora qui souhaite le télécharger ou pour un mainteneur de Fedora qui souhaite l’ajouter à un référentiel. Les utilisateurs de Fedora sont invités à se rendre dans ce qui est essentiellement un ‘magasin commercial’ exploité par un concurrent de RedHat [ici Canonical], où les statistiques affichées indiquent que leur distribution n’est que la 7ème meilleure [argument marketing de Canonical].
Nous [les utilisateurs de Linux Mint] avons de la chance, nous pouvons toujours télécharger les traditionnels .deb [(paquets logiciels Debian équivalents aux RPM de Red Hat – Fedora)]. Si Spotify cesse de s’en occuper, que faisons-nous ? Nous passons à ‘Snap’ parce que nous le devons ? Dans le futur, le magasin des ‘Snap’ continuera-t-il de permettre aux utilisateurs de télécharger les fichiers ‘Snap’ actuels ou sera-t-il verrouillé ? Le magasin des ‘Snap’ continuera-t-il à fonctionner sans compte obligatoire ‘Ubuntu One’ ou serons-nous bloqués par le vendeur [Canonical] ? Je pense qu’il est important d’apprécier ces aspects.
Nous avons tous des smartphones et nous savons tous à quel point le Play Store de [Big Brother] Google est ‘formidable’ [techniquement oui mais pas du tout concernant notre vie privée !]. Combien de fois voyons-nous des .apk (packages Android) sur le Web ? À quel point sont-ils faciles à installer hors du Google Store ? À quel point un éditeur est-il libre de publier son .apk lui-même tout en étant présent dans le magasin Google ? Qui contrôle tout cela et qu’est-ce que cela signifie pour nous ? Qui gouverne ce qui peut et ne peut pas aller dans le magasin ? Qui fait les transactions commerciales ? Sur qui comptons-nous ? Et pourquoi ?
Tant que ‘Snap’ est une solution à un problème, c’est génial.
Comme Flatpak, il peut résoudre certains des problèmes réels liés aux bases de paquets logiciels gelés [et/ou périmés dans les distributions GNU/Linux]. Il peut nous fournir des logiciels que nous ne pourrions pas utiliser autrement en tant que paquets standards. Mais quand il commence à remplacer des paquets standards sans raison valable, quand il commence à nuire à notre interaction avec les projets en amont et aux éditeurs de logiciels et à réduire notre choix, cela devient une [grave] menace pour tous les libristes.
Notre utilisateur de Fedora ne devrait pas être forcé ‘d’être tenu informé’ d’Ubuntu et d’Ubuntu One lors du téléchargement de logiciels [empaquetés ‘Snap’]. Son navigateur ne devrait pas avoir de marque-pages pointant vers une autre distribution [ici Ubuntu]. Son logiciel ne devrait pas être conçu et testé principalement avec un autre environnement de bureau et une distribution particulière en tête, et quand il regarde les captures d’écran, il ne devrait pas voir que du Ubuntu partout. C’est ce que Spotify a tort de faire et les vendeurs de penser qu’un tel magasin peut être le seul magasin accessible à tous les utilisateurs de GNU/Linux. Pour que cela fonctionne, il faudrait que nous le gouvernions tous, avec des objectifs clairs, sans parti pris et sans conflit d’intérêts.
Lorsque Flatpak est sorti, il a immédiatement permis à quiconque de créer des magasins de logiciels associés. Le client Flatpak [celui sur votre PC] peut parler à plusieurs magasins (serveurs). Spotify est sur Flathub et ils peuvent aller dans cette direction. Si demain ils se disputent avec Flathub, ils peuvent créer leur propre magasin et le même client Flatpak fonctionnera toujours avec. Lorsque ‘Snap’ est sorti, ce n’était qu’un client. Le serveur était derrière des portes closes et le client ne pouvait pas parler à plusieurs serveurs. Depuis lors, nous sommes inquiets à ce sujet, mais c’était OK. Tant que ‘Snap’ n’était pas le standard de facto pour tous les éditeurs de logiciels à publier pour tous les utilisateurs de GNU/Linux, c’était OK. Tant que les éditeurs n’arrêtaient pas de distribuer directement les paquets, tout allait bien. Tant que ‘Snap’ n’avait pas supprimé ce que nous avions déjà, c’était parfaitement OK.
La boutique Ubuntu, qui s’appelle maintenant Snap Store (ce qui est logique dans la mesure où il ne peut exister qu’un seul magasin), était prometteuse car elle pouvait fournir des logiciels auxquels nous n’avions pas accès et une plateforme de paiement pour acheter des logiciels commerciaux [et oui, même dans le libre cela existe]. Cependant, cela fait maintenant bien plus qu’il a été pensé à l’origine. Cela pourrait en fait fortement réduire l’accès [des libristes] aux logiciels libres [sous l’unique contrôle de Canonical] depuis leur distribution GNU/Linux.
Il y a beaucoup de choses que vous pouvez faire avec les gestionnaires de paquets classiques (apt / dpkg dans Linux Mint, [et aussi Synaptic, d’origine Debian]), que vous ne pouvez pas faire avec les ‘Snap’, et il y a deux raisons à cela. Premièrement, ils existent depuis plusieurs décennies. Ils sont matures, ils sont entièrement intégrés au système d’exploitation libre dans toutes les distributions. Deuxièmement, ils ont été développés avec le logiciel libre à l’esprit. Il n’y a pas d’aspect commercial dans la conception d’apt / dpkg, c’est une question de responsabilisation des utilisateurs et des distributions. Au contraire, vous ne pouvez ni modifier, ni reconstruire, ni épingler, ni corriger, ni reproduire un ‘Snap’, vous n’êtes pas censé le faire.
[Référence : Drôle de Drame de Marcel Carné]
[« Oui, vous regardez votre couteau et vous dîtes propriétaire, propriétaire. Alors je croyais que…
Moi, j’ai dit propriétaire, propriétaire, comme c’est étrange ! Pourquoi aurais-je dis propriétaire, propriétaire ?
Je vous assure mon cher cousin, que vous avez dit propriétaire, propriétaire.
Moi, j’ai dit propriétaire, comme c’est bizarre ! »]
[Clem] J’ai été invité à participer [à quoi ?] par les développeurs de ‘Snap’ et j’espère qu’un jour nous pourrons intégrer ‘Snap’ dans Linux Mint. Bien que je m’inquiète de l’impact sur le marché, je pense que ‘Snap’ pourrait fonctionner à la fois en tant que client et en tant que format de fichier, si il ne nous enfermait pas dans un seul et unique magasin.
Vous vous demandez peut-être pourquoi tout à coup, je le dis si ouvertement !
Il existe un certain sentiment d’urgence qui exige une action de notre part. Ubuntu prévoit de remplacer, [un 1er exemple], le paquet logiciel du référentiel Chromium par un simple paquet vide qui lui installera le composant logiciel enfichable ‘Snap’ de Chromium. En d’autres termes, lorsque vous installerez les mises à jour APT, ‘Snap’ devient une obligation pour vous pour continuer à utiliser Chromium et s’installe dans votre dos. Cela confirme l’un des soucis majeurs de beaucoup de gens lors de l’annonce de ‘Snap’ et rompt la promesse de ses développeurs de ne jamais remplacer APT !
Le plan de Canonical ne consiste pas seulement à déléguer une partie de APT à ‘Snap’ dans les versions actuelles d’Ubuntu, mais également à annoncer ce changement rétroactivement vers Ubuntu 18.04 LTS. Nous ne voulons pas que cela affecte Linux Mint !
[Pour mémoire, Linux Mint 19 est basée sur Ubuntu 18.04 qui est elle-même basée sur Debian. De plus, sont aussi concernées toutes les distributions variantes et dérivées d’Ubuntu. Cela fait pas mal de distributions et d’utilisateurs.]
Je [Clem] ne pense pas que les points que nous soulevons ici sont bien compris par la communauté [Oh que si !].
J’espère que nous en parlerons avec Ubuntu et le projet ‘Snap’. Nous sommes également très intéressés par vos commentaires. Un ‘Snap Store’ auto-installable qui écrase une partie de la base de nos paquets logiciels APT est un définitivement NON – NON. C’est quelque chose que nous devons arrêter et cela pourrait signifier la fin des mises à jour de Chromium, [et d’autres applications à suivre], ainsi que l’accès au Snap Store de Canonical – Ubuntu dans Linux Mint.
» » » » » » » » » «
Depuis 3 ans, c’est la première fois que j’entends une critique de fond formulée par Linux Mint sur Canonical – Ubuntu. Il était grand temps que C. Lefebvre se réveille et voit enfin la réalité en face.
♦ Pour essayer comprendre où Mark Shuttleworth emmène sa firme Canonical Ltd. et sa distribution Ubuntu
M. Shuttleworth a clairement viré sa cuti et quitté la communauté du Logiciel Libre il y a au moins de 3 ans !
Dans l’analyse que je fais de l’évolution des Logiciels Libres dont les distributions GNU/Linux, et pas que de ‘Snap et Snap Store’ de Canoncial, je suis beaucoup plus radical et préoccupé que Clément Lefebvre. C’est tout l’écosystème et les valeurs du Logiciel Libre qui sont en très grand danger.
• Distributions GNU/Linux – Incertitudes sur le devenir des versions Desktop – 27/04/2019
- Trop de systèmes d’exploitation libres pour les ordinateurs de bureau et portable avec souvent peu de différences réelles entre eux d’où peu – pas de valeur ajoutée perçue par les utilisateurs finaux, mais pas que. La part de marché mondiale des systèmes d’exploitation GNU/Linux pour le PC Desktop n’est toujours que de l’ordre de 2 à 3% (en fonction des sources) pour plusieurs centaines de distributions libres généralistes, près de 300 actives à ce jour des plus au moins populaires…
Et un petit rappel non-exhaustif de ces 3 dernières années…
• Fiançailles Microsoft – Canonical autour de Ubuntu Linux ! – 1/04/2016
- L’AN I de la trahison !
Poisson d’Avril ou Réalité augmentée en vue d’un « mariage hautement contre nature » !
INFO ou INTOX ? Après son BASH Ubuntu Linux, Mark Shuttleworth va-t-il vendre sa distribution libre UBUNTU, voire la totalité de sa société CANONICAL à la multinationale multimilliardaire MICROSOFT de Satya Nadella ? Shuttleworth va-t-il retourner complètement sa veste ? L’avenir nous le dira…
• Que celui qui ne s’est jamais trompé me jette Ubuntu dans mon courtil, dixit Mark Shuttleworth, le fondateur de Canonical Ltd. – 27/04/2016
- L’un des plus farouches et vieux rivaux de Big Brother Microsoft dit qu’il a subi une « complète inversion » (suite à une opération chirurgicale du cerveau) et qu’il passe à autre chose ! Ainsi parla, non pas Zarathoustra, mais Mark Shuttleworth, le fondateur de Canonical Ltd. et éditeur des distributions Ubuntu Unity et Ubuntu Touch. Shuttleworth a donné une interview le 20/04/2016 au journal Business Insider UK, dont vous trouverez ci-dessous ma traduction (aussi fidèle que possible) : ‘One of Microsoft’s fiercest old rivals says it’s undergone a ‘complete inversion’ – l’article d’origine en anglais…
• Unity, Mir, Mobile et Convergence d’Ubuntu : chronique d’une mort collective annoncée ! – 10/04/2017
- Mark Shuttleworth, fondateur de Canonical Ltd. éditrice d’Ubuntu, vient de se fendre d’un court mais –historique billet– sur son blog annonçant la fin d’Unity, de Mir, du Mobile, et celle de la Convergence à la sauce Canonical ! Après l’accord de partenariat stratégique et hautement contre-nature « Windows 10 Subsystem for Linux » (WSL) entre Canonical et Big Brother Microsoft – son ex-ennemi historique – rendu public en Avril 2016 et la « réorientation de stratégie de Canonical » qui en a découlé il y a un an, Mark Shuttleworth a décidé comme prévu ici et maintenant de mettre un terme final à l’interface graphique maison UNITY, au serveur d’affichage maison MIR (desktop), au MOBILE smartphones et tablettes, et donc à la CONVERGENCE entre les différents types d’écran et d’usage. Quel revirement historique…
• Pour Mark Shuttleworth, quelle vie paradisiaque après Ubuntu et Canonical ? – 1/11/2017
- M. Shuttleworth, le fondateur de Canonical Ltd. – l’éditeur de la populaire distribution Ubuntu, ne se pose plus la question. Il est passé aux exercices pratiques ! Le Mark Shuttleworth d’aujourd’hui n’est plus du tout, malheureusement, celui de 2004 ! En 1995, il fonde Thawte, société spécialisée dans la sécurité Internet. Il vend cette dernière en 1999 à VeriSign pour 570 millions de dollars US. Shuttleworth crée alors HBD Venture Capital – une société de capital risque – et la Shuttleworth Foundation, qui crée des projets éducatifs en Afrique du Sud…
• L’amour de Microsoft pour Linux et les partenariats contre-nature des ténors des distributions GNU/Linux – 15/03/2018
- En ce mois de mars 2018, un nouveau grand coup de tonnerre dans le ciel bleu légèrement voilé du Libre, la référence DEBIAN dans WSL – Windows 10 Subsystem for Linux. Et non, je ne suis pas (encore) bourré, vous n’hallucinez pas et nous ne sommes pas encore le 1er avril ! Le projet Debian est une association d’individus qui ont pris pour cause commune la création d’un système d’exploitation libre, universel et non-commercial. Pourtant, DEBIAN a décidé de rejoindre le camp du logiciel propriétaire et privateur Windows 10, comme l’avaient déjà fait Canonical avec Ubuntu, Red Hat avec Fedora et Micro Focus SUSE avec openSUSE…
• ETC. ETC. ETC.
♦ Deux philosophies / visions du Logiciel Libre mais avec des valeurs complètement divergentes ont engagé le combat
L’affrontement du Bien et du Mal (je simplifie) ! Devinez, qui est qui ?
Richard STALLMAN
Sans surprise, certains sont très sceptiques quant à l’enthousiasme renouvelé de Microsoft pour Linux et les logiciels open source, y compris les ardents défenseurs des logiciels libres, dont le fondateur de l’OS GNU – Richard Stallman.
Interviewé par Tech Republic (20/09/2017 en anglais), il déclarait que la décision de Microsoft de construire un sous-système Windows pour Linux (WSL) équivaut à une tentative d’extinction des logiciels libres et à terme open source.
« Cela semble certainement être le cas, mais ce ne sera pas si facile de nous éteindre, car nos raisons d’utiliser et de faire progresser le logiciel libre ne se limitent pas à la seule commodité pratique (le côté technique) », a-t-il déclaré.
« Nous voulons la liberté pour utiliser nos ordinateurs en toute liberté, et Windows 10 c’est tout le contraire. »
« Le but du mouvement du Logiciel Libre est de libérer les utilisateurs des programmes et des systèmes propriétaires, tels que Windows. Essayer de rendre un système non-libre, tel que Windows de Microsoft ou macOS – iOS d’Apple ou ChromeOS – Android de Google, plus pratique est un pas en arrière dans la campagne pour la liberté. »