Distributions GNU/Linux – Incertitudes sur le devenir des versions Desktop
Trop de systèmes d’exploitation libres pour les ordinateurs de bureau et portable avec souvent peu de différences réelles entre eux d’où peu – pas de valeur ajoutée perçue par les utilisateurs finaux, mais pas que…
La part de marché mondiale des systèmes d’exploitation GNU/Linux pour le PC Desktop n’est toujours que de l’ordre de 2 à 3% (en fonction des sources) pour plusieurs centaines de distributions libres généralistes, près de 300 actives à ce jour des plus au moins populaires.
Définitivement oui, la trop grande fragmentation de GNU/Linux sur le poste de travail nuit gravement à la qualité et à la pérennité de ce système ainsi qu’aux ressources humaines disponibles pour son développement.
En l’état, la liberté d’accès et la réutilisation du code source ouvert est d’un côté une force mais de l’autre une faiblesse du logiciel libre.
♦ Canonical, Debian, Red Hat, Suse et Linux
Au cours de ces 25 dernières années, les acteurs majeurs d’origines diverses de ce secteur, comme Canonical (entreprise éditrice d’Ubuntu) – Debian (communauté indépendante) – Red Hat (entreprise rachetée par IBM en octobre 2018) et SUSE (entreprise rachetée par EQT Partners en juillet 2018), n’ont jamais pu et/ou su et/ou voulu se mettre d’accord pour définir un standard du PC Desktop Libre et créer une organisation (fondation) pour promouvoir et financer efficacement celui-ci. Chacun a été et est encore pris dans sa propre logique d’entreprise – de communauté (technique et/ou commerciale) et a perdu de vue la philosophie et les valeurs du logiciel libre pour une société libre.
Aujourd’hui, les deux standards utilisés de facto par les toutes distributions GNU/Linux sont :
- Le noyau libre Linux créé par Linus Torvalds, développé et maintenu par lui et une grande communauté de passionnés (bénévoles, individus et salariés d’entreprises ou de fondations). Mais même L. Torvalds, salarié de la Linux Foundation, n’est pas un fervent défenseur du logiciel libre, à dire vrai il n’en a rien à faire, pas plus que de sa première couche-culotte. Sa seule et unique préoccupation n’est que son noyau Linux et l’Open source : « Je ne fais que de la technique, pas de politique ! ».
Il a récemment déclaré : « Chromebooks et Android sont le chemin vers le poste de travail ». Alors, si même le père du noyau Linux ne croit plus dans le devenir du poste de travail GNU/Linux, qui va encore croire dans le devenir de ces distributions ? Mais pour moi, la vision de L. Torvalds pointe dans la mauvaise direction. Quand nous savons que les applications Chromebook tournent dans le Cloud Google (sur des serveurs propriétaires, fermés et espions qui n’appartiennent donc pas aux utilisateurs) et qu’Android et ses applications sont les champions mondiaux de l’espionnage de leurs utilisateurs sur les smartphones. Le père du noyau libre Linux n’est plus aussi visionnaire qu’il l’a été il y a 25 ans.
- GNU, un ensemble de nombreux programmes libres, qui associé avec le noyau libre Linux forme le système d’exploitation libre GNU/Linux. Le projet GNU est soutenu par la Free Software Foundation, en assurant notamment sa protection légale par la gestion de ses droits d’auteurs. Les objectifs et la philosophie du projet sont par ailleurs définis dans le manifeste GNU, lequel représente l’acte fondateur du Mouvement du Logiciel Libre. Le projet GNU s’inscrit enfin dans une démarche sociale en plaçant les fondements philosophiques du mouvement devant les objectifs techniques du projet.
Et là, nous touchons du doigt le cœur même du désaccord fondamental entre les défenseurs de L’Open Source (FOSS) qui disent : « Ne me parlez que de technique, rien que de technique, et surtout pas d’éthique ou de valeurs philosophiques ! » (comme la Linux Foundation dont les GAFAM sont des membres très influents !) -et- ceux du Logiciel Libre (FLOSS) qui disent que « La technique sans éthique c’est comme un être humain sans valeur morale ! » (comme la Free Sotware Foundation et le projet GNU).
Et les environnements de bureau qui tournent sur ces distributions sont aussi (trop) nombreux, plus d’une quinzaine à ce jour, des plus au moins populaires, comme Cinnamon, KDE, GNOME, MATE, Xfce, etc. Cela participe aussi à la grande fragmentation du PC Desktop Libre. Ici aussi aucun vrai standard n’a pu être défini entre les différents acteurs des environnements de bureau. C’est toujours la beauté de la liberté technique du Libre mais en même temps une de ses faiblesses.
Pour les développeurs-mainteneurs d’applications libres, des bénévoles qui prennent sur leur temps libre et des professionnels qui essaient d’en vivre, c’est donc la jungle. Ils ne doivent pas développer une seule et unique application pour un seul et unique système (comme pour Android ou Windows), mais ils doivent adapter celle-ci à plusieurs systèmes GNU/Linux et à plusieurs environnements de bureau, même si il peut y avoir des similitudes entre eux. D’ailleurs, la majorité des grosses applications est multi-plateforme, c’est à dire qu’elles tournent aussi bien sous GNU/Linux (# 3 en part de marché), que macOS (# 2 en PdM) et Windows (de loin # 1 en PdM).
♦ Google, Microsoft et la Linux Foundation
Ces dernières années ont aussi vu monter en puissance une convergence d’intérêts d’affaires (mais pas de l’éthique) entre des multinationales multimilliardaires et des entreprises de tailles beaucoup plus petites promouvant l’Open Source (que l’aspect technique), mais pas le Logiciel Libre (technique + éthique).
Par exemple, Microsoft a été rejoint par Canonical (dans le cadre d’un développement conjoint) puis Red Hat, SUSE, Debian et d’autres pour le projet WSL (Windows Subsystem for Linux), une implémentation native du shell Linux dans Windows 10 et Windows Server 2019 propriétaires ainsi que pour le projet Azure, le Cloud Computing (l’informatique dans le nuage) de Microsoft à base de serveurs Windows et/ou Linux.
Que de mariages contre-nature mais pour ces entreprises du soi-disant Libre les affaires restent les affaires et priment sur l’éthique et la protection de la vie privée des utilisateurs !
Et aussi, la Linux Foundation (Supporting Open Source Ecosystems) a accueilli en son sein des acteurs majeurs des logiciels et services fermés, propriétaires et espions comme : Google et Microsoft en tant que membres Platinium, Facebook et Uber en tant que membres Gold, AWS (Amazon Web Services), GitHub (Microsoft) et LinkedIn (Microsoft) en tant que membres Silver, etc.
Le combat pour essayer de faire contre-poids à Big Brother Windows de Microsoft par les GNU/Linux sur le poste de travail semble être définitivement derrière nous. GNU/Linux est et restera un marché niche sur les Desktops principalement à destination des geeks (passionnés d’informatique) et de celles et ceux, peu nombreux en pourcentage, que nous réussirons à convertir.
Google, une filiale d’Alphabet, avec son big brother Android. Ce système d’exploitation, plus propriétaire et espion que libre et ouvert basé sur le noyau Linux, est devenu le # 1 avec environ 70% de part de marché sur les smartphones, toutes marques confondues, excepté bien entendu Apple avec son iOS propriétaire. Android est devenu au fil des années le standard de fait sur les téléphones portables. Tous les autres systèmes, hors iOS, ont disparus (ou presque).
Une multinationale Google + une stratégie très agressive + d’importantes ressources financières + un système d’exploitation Android avec son interface utilisateur tactile et son Play Store (magasin d’applications) = un standard mondial fermé, hégémonique et non-respectueux de la vie privée de tous ses utilisateurs (particuliers et professionnels).
Parmi d’autres, Canonical avait essayé en faisant cavalier seul de pénétrer le marché des smartphones mais sans aucun succès rendant son Ubuntu Touch-Phone obsolète. Même Microsoft a du récemment baisser les bras avec son Windows Phone qui est devenu de facto obsolète.
Microsoft avec son big brother Windows. Ce système d’exploitation propriétaire et espion est devenu le # 1 avec environ 87% de part de marché des ordinateurs de bureau et portables, toutes marques confondues, excepté bien entendu Apple avec son macOS propriétaire. Windows au fil des années grâce à son système imposé de vente liée OS+PC est devenu le standard de fait des PC Desktop. Tous les autres systèmes, hors macOS et les bien trop nombreux GNU/Linux, ont disparus.
Une multinationale Microsoft + une stratégie très agressive + d’importantes ressources financières + un système d’exploitation Windows avec son interface utilisateur et son Store (magasin d’applications) = un standard mondial fermé, hégémonique et non-respectueux de la vie privée de tous ses utilisateurs (particuliers et professionnels).
♦ Les GAFAM vampirisent l’Open source et par ricochet l’ensemble du Logiciel libre
Nous assistions depuis +/- 3 ans au renforcement significatif de 4 tendances majeures et concomitantes.
- Des entreprises clés dans le domaine des distributions GNU/Linux, comme Canonical avec Ubuntu, Red Hat avec Fedora et RHEL, et SUSE avec openSUSE et SLED, ont laissé tomber leur stratégie de vouloir gagner à tout prix des parts de marché significatives face à Windows de Microsoft dans le domaine des ordinateurs de bureau.
- Ces entreprises concentrent maintenant leurs efforts sur d’autres cibles beaucoup plus rentables pour elles comme le Cloud, L’Internet des Objets, etc.
- Ces mêmes firmes ont décidé de s’allier contractuellement à Microsoft, pourtant leur ex-ennemi majeur et historique, au travers de partenariats stratégiques afin de collaborer sans aucune vergogne au mariage contre-nature de l’Open source et du Propriétaire, rejoint aussi par le projet communautaire Debian, ce qui est totalement incompréhensible pour ce dernier.
- Et enfin, les champions toutes catégories des logiciels propriétaires et privateurs de libertés comme Google, Microsoft et d’autres ont décidé de piller tout ce qui pouvait l’être dans l’Open source en rejoignant la Linux Foundation qui les a accueilli à bras ouverts. À ce rythme, cet organisation de l’Open source pourra bientôt être rebaptisée la GAFAM & Co Foundation (GAFAM = Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft).
La guerre qui continue de se dérouler actuellement entre ces différents acteurs n’est pas seulement celle de la survie des (petites) distributions indépendantes GNU/Linux, toutes basées sur celles de ces entreprises clés, pour les PC Desktop mais aussi à terme celle de la survie des Logiciels Libres et donc celle de la maîtrise de notre vie numérique pour qu’elle reste libre et non-espionnée, autant que faire se peut. C’est aussi une question plus globale de défense et de reconquête de nos libertés face aux géants de l’informatique, du web et de la téléphonie qui ont déjà monopolisé et confisqué une partie importante de notre démocratie occidentale à leur seul profit. Et, je ne parle même pas du fait que les GAFAM ne paient pas leurs impôts dans la majorité des pays où ils font du business.
♦ Linux MINT, un exemple
Prenons maintenant un exemple récent parmi d’autres, celle de Linux MINT, la populaire distribution GNU/Linux indépendante pour PC Desktop dont le leader est Clément Lefebvre.
Pour mémoire, Linux Mint est basée sur Ubuntu (éditée par l’entreprise Canonical), elle-même basée sur Debian (éditée par la communauté éponyme), et son environnement de bureau phare Cinnamon développé en interne et basé sur Gnome (éditée par la fondation éponyme). Cela fait pas mal – trop d’interactions et de divergences potentielles entre la distribution Linux Mint et les différentes communauté-entreprise-fondation GNU/Linux.
Cette distribution, comme la majorité des indépendantes, vit principalement du support financier de ses sponsors, des dons de ses utilisateurs, de la publicité sur son site web et des reversements de certains moteurs de recherche web, dont Big Brother Google, quand ils sont utilisés par un Firefox adapté-modifié par Linux Mint dans sa distribution. Mais tous les développeurs-mainteneurs ne sont pas rémunérés pour leur travail et leur dévotion, loin s’en faut.
Dans son billet de blog Monthly News – March 2019 (en anglais) publié début avril 2019, C. Lefebvre nous fait ouvertement part des difficultés rencontrées par les-ses développeurs-mainteneurs. Ci-après un long extrait traduit (le plus fidèlement possible) de son propos et avec mes commentaires.
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C. Lefébvre (Clem) commence son propos par :
« Merci beaucoup pour votre soutien et vos dons, ainsi que pour vos commentaires et vos idées. Aujourd’hui, nous allons parler un peu des aspects négatifs du développement de logiciels libres, mais auparavant, je voudrais souligner combien nous avons de la chance que nous soyons ici à Linux Mint d’avoir cette communauté et ce niveau de soutien. Il n’est pas toujours facile de réaliser ce que nous voulons, mais il n’est parfois même pas facile de définir ce que nous voulons réaliser. Nous pouvons avoir des doutes, nous pouvons travailler très dur sur quelque chose pendant un certain temps et ensuite le questionner tellement, que nous ne sommes même pas sûrs de le livrer. Nous pouvons être démotivés, incertains, déprimés même par des réactions ou des interactions négatives, ce qui peut amener les développeurs à s’éloigner du projet, à faire une pause ou même à partir définitivement. Et parfois, le simple fait de voir les gens apprécier ce que nous avons fait peut renforcer l’ensemble de l’équipe, qu’il s’agisse de constater le bonheur dans un mail ou un commentaire ou d’obtenir un sentiment de satisfaction après une interaction constructive conduisant à un correctif ou à une implémentation. »
Et il continue par :
« Personnellement, je n’ai pas apprécié ce cycle de développement à ce jour. Deux de nos développeurs les plus talentueux ont été absents. L’augmentation des performances dans le gestionnaire de fenêtres Muffin n’a pas été réalisée et ne l’est toujours pas. Les commentaires sur notre nouveau site web et notre nouveau logo ont apporté une énorme incertitude. Nous aurons toujours une excellente version de Linux Mint à la fin et nous apporterons encore de nombreuses améliorations (nous l’avons déjà fait dans une certaine mesure), mais nous devons rester forts et rester confiants, et ce n’est pas facile lorsque nous investissons beaucoup de temps. Quelque chose et puis un mois plus tard, ce n’est pas prêt ou cela cause d’autres problèmes, ou cela peut faire plaisir à certaines personnes mais pas à d’autres. Pour qu’une équipe fonctionne, les développeurs doivent se sentir comme des héros. Ils veulent les mêmes choses que les utilisateurs, ce sont aussi des utilisateurs, ce sont « seulement » des utilisateurs. À un moment donné, ils décident de s’impliquer et commencent à investir du temps, des efforts et des émotions dans l’amélioration de notre projet. Ce qu’ils recherchent le plus, c’est le soutien et le bonheur. Ils ont besoin de retours d’expériences et des informations pour comprendre les bogues ou les demandes de fonctionnalités. Quand ils ont terminé d’implémenter quelque chose, ils ont besoin de se sentir comme des héros, c’est littéralement le cas, c’est en partie pourquoi ils sont ici. »
Ici Clem ne raconte qu’une partie de l’histoire de son projet. Nous les utilisateurs ne connaissons absolument rien de l’organisation de son équipe et de comment les choses fonctionnent réellement en interne. Nous ne pouvons que le lire chaque mois et le croire sur parole.
« Je peux leur montrer que 500 personnes ont donné de l’argent le mois dernier, je peux envoyer des courriels à l’équipe où les gens me disent à quel point ils aiment Linux Mint, je peux leur dire qu’ils font une différence, mais rien de tel que d’interagir directement avec un utilisateur heureux, voir de première main que quelqu’un soit ravi de ce sur quoi vous avez travaillé. La manière dont notre communauté interagit avec nos développeurs est essentielle pour leur travail, leur bonheur et leur motivation. »
Oui, mais les choses ne sont pas aussi vertes et rafraîchissantes que Clem voudrait le dire même pour ses utilisateurs.
– J’ai proposé par écrit ma contribution à la direction du projet et je n’ai jamais reçu de réponse malgré mes relances. J’ai donc laissé tomber. Certains développeurs sont démotivés mais certains utilisateurs le sont aussi.
– Le système de remontée de bogues du projet est quasiment inexistant. C’est un manque majeur du projet pour remonter automatiquement les problèmes auxquels peuvent être confrontés les utilisateurs.
– Les forums (EN et FR) du projet Linux Mint sont plutôt sectaires dès que vous commencez à émettre des commentaires et/ou faire des suggestions et/ou des critiques, bien que tous trois constructifs, mais qui ne sont pas en phase avec les orientations et la politique du projet. Cela m’est même arrivé directement avec Clem concernant Exfat-Fuse (le gestionnaire exFAT en R/W pour les grosses clés USB et cartes SD). Puis, un an plus tard car Ubuntu avait changé son fusil d’épaule, Clem l’a rendu disponible sous Linux Mint.
Ce point d’ailleurs n’est pas propre à Linux Mint. Je l’ai aussi expérimenté au moins sur les forums d’Arch Linux, de Deepin, de Fedora, de Mageia et d’Ubuntu. « Participez, vous êtes les bienvenus. » qu’ils disent tous ! Mais apparemment, tout le monde n’a pas la même définition du « partage » et de la « contribution » dans certaines communautés GNU/Linux. Donc, je ne perds plus mon temps et mon énergie à vouloir poster sur ces forums GNU/Linux, et je ne m’en porte pas plus mal.
– Chacune de ces distributions pensent qu’elle est la meilleure, qu’elle lave plus blanc que la voisine, et qu’elle incarne à elle seule la « vérité », oubliant que chacune ne représente qu’une infime goutte d’eau dans l’immense océan des systèmes d’exploitation pour le poste de travail, toujours ultra-dominé par Windows (voir le début de l’article).
Et maintenant Clem rentre dans le détail :
« Georges Stavracas a parlé de son expérience sur son blog : Les hauts et les bas d’un développeur bénévole du Libre – Être un mainteneur de logiciel libre (Calendrier Gnome) / On Being a Free Software Maintainer (Gnome Calendar).
C’est quelque chose que nous lisons-comprenons au sein de l’équipe et, bien sûr, je pense que la plupart des développeurs de logiciels libres peuvent s’identifier. Ce que j’ai vraiment aimé dans le blog de Georges, c’est qu’il illustre comment, d’utilisateur, il est devenu contributeur et, à partir de là, comment il est finalement devenu développeur.
Nous sentons parfois une division entre « utilisateurs » et « développeurs », comme s’il s’agissait de personnes différentes, comme si les utilisateurs n’étaient pas [potentiellement] des développeurs et les développeurs n’étaient pas [toujours] des utilisateurs, ce qui est ridicule. »
Sur ce point, je suis entièrement d’accord avec Clem.
« La notion qu’un développeur habilité ne peut pas comprendre quelque chose qui est clair pour tout le monde est quelque chose que nous voyons dans les rues, en politique. C’est une notion populiste où l’autonomisation est corrompue et où la rue sait le mieux. Ce n’est pas ainsi que cela fonctionne ici, il n’y a pas de différence entre un utilisateur et un développeur autre que son niveau d’investissement dans le projet. Tout le monde peut et doit contribuer au mieux de ses capacités à résoudre les problèmes qu’il connaît. »
Encore faudrait-il que les utilisateurs qui sont convaincus et motivés à contribuer d’une manière ou d’une autre puissent effectivement le faire, ce qui n’est pas vraiment toujours le cas, que ce soit avec Linux Mint ou une autre distribution (voir plus haut).
« Je pense avoir la peau dure et mon rôle est également de protéger ce [son] projet, les personnes avec qui je travaille et la communauté autour de nous. Nous pouvons avoir tellement de plaisir à travailler ensemble, je pense qu’il est important de nourrir ces relations et de faire en sorte que les interactions restent aussi positives et constructives que possible.
La rétroaction est quelque chose que nous devrions aimer, pas quelque chose que nous devrions craindre. C’est ce qui alimente notre projet et notre développement. Lorsque les développeurs agissent correctement, les modifications qu’ils ont apportées rendent les utilisateurs encore plus heureux. Lorsque les utilisateurs agissent correctement, les commentaires qu’ils transmettent ont pour effet de motiver davantage les développeurs.
Nous faisons très attention à ne pas frustrer les utilisateurs avec des modifications de code (parfois nécessaires). Il est important pour notre communauté de ne pas démotiver ceux qui, en soi, ont décidé de devenir les soi-disant développeurs. »
Le projet Linux Mint est l’illustration typique des difficultés d’organisation d’une distribution indépendante.
« Avant de passer au sujet suivant, je voudrais remercier Georges Stavracas pour son travail sur le calendrier GNOME. C’est une excellente application et nous avons été ravis de l’ajouter à Linux Mint 19. »
Et Clem finit son propos sur ce sujet par :
« J’espère que cela ne ressemblait pas à un discours moralisateur. Les choses vont très bien [qu’il dit]. Le message de Georges a soulevé le sujet et je pense que c’est bien pour nous, en tant que communauté, d’aborder le sujet également. Je ressens également le besoin de clarifier ma position à ce sujet car je suis impliqué dans la modération de ce blog. Je recherche souvent des commentaires de qualité, des informations détaillées qui peuvent nous aider à faire mieux et à garder la motivation et le plaisir aussi élevés que possible pour tout le monde impliqué… »
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Voilà, c’était un instantané de certaines difficultés auxquelles sont confrontées quotidiennement les distributions et organisations indépendantes du Libre, sans parler de leurs homologues des environnements de bureau, des applications, des outils GNU et du noyau Linux.
♦ Alors, quoi de neuf demain ?
Le titre de cet article « Distributions GNU/Linux – Incertitudes sur le devenir des versions Desktop » aurait pu-du être intitulé « Distributions GNU/Linux – Certitudes sur le non-devenir des versions Desktop » mais cela aurait été trop défaitiste et déprimant.
Même avec l’obsolescence annoncée de Windows 7 par Microsoft pour janvier 2020, il n’y a aucun espoir qu’une quelconque distribution GNU/Linux puisse significativement la remplacer. Ce sera Windows 10 qui prendra naturellement la relève et les distributions GNU/Linux resteront une fois encore sur le bord de la route.
La faute à la bien trop grande fragmentation de GNU/Linux et le manque cruel d’une stratégie commune et conquérante des acteurs-clés de ce secteur pour enfin définir un standard unifié du poste de travail libre sur ordinateur. Canonical, Red Hat, SUSE & Consorts ont définitivement vendu leur âme au diable propriétaire et privateur de libertés contre un peu de monnaie sonnante et trébuchante.
Le dilemme des développeurs-mainteneurs bénévoles sera de plus en plus important. Vont-ils rester (qu’)avec le logiciel libre ou l’open source ? Ou vont-ils migrer vers le logiciel propriétaire qui leur tend ses bras en intégrant de plus en plus d’open source comme WSL (Windows Subsystem for Linux) sous Windows 10 et Windows Server 2019. C’est un choix cornélien du point de vue technique mais un choix très simple du point de vue de l’éthique et des valeurs.
Les utilisateurs sous Big Brother Windows 10 pourront toujours installer des applications libres et multi-plateforme comme LibreOffice, Thunderbird, Firefox, VLC, GIMP et des centaines – des milliers d’autres.
De mon côté, en tant qu’utilisateur de logiciels libres, je vais continuer à butiner de distribution en distribution, d’environnement de bureau en environnement de bureau, d’application en application, et à me lamenter de la mort annoncée des distributions GNU/Linux sur le poste de travail. Hasta la vista !
- « Logiciel libre, société libre » : Copyleft, FSF, GNU, GPL, Linux, etc. Késako ce charabia ?
Les progrès technologiques (ordinateurs, tablettes, smartphones, consoles de jeux, téléviseurs, robots, objets connectés, informatique en nuage et logiciels associés…) doivent être au service de l’émancipation de leurs utilisateurs et non de leur asservissement…